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Règles et « jeu de Loi »

Règles et « jeu de Loi »

Un cadre contenant et rassurant

 

 

 

ITEP xxx, vendredi yyy, 14h10, salle de réunion de l‘établissement

 

Nous sommes en réunion de synthèse.

L’équipe pluridisciplinaire est au grand complet.

Chacun est prêt à partager avec les autres le fruit de ses observations pour chaque enfant dont il a « la charge », ce, pour ensuite proposer ses idées, sa pierre à l’édifice du projet à construire ou à réajuster…

 

C’est à mon tour de présenter ma synthèse !…

 

Et comme d’habitude en ce début d’année, je vais être amené à évoquer, pour nombres d’enfants nouveaux, pour beaucoup d’entre eux sans limites et sans repères (créant ou amplifiant de très grandes angoisses…) d’un besoin profond de cadre contenant et sécurisant… - Et alors, il arrivera encore cette fois-là que mes collègues, pourtant habitués (…) au fil des années, rient de « cette répétition » (consciente !?) de mes dires…

Aucune inquiétude à avoir, quand je dis qu’il rient, c’est que cela est devenu, au fil du temps, une sorte de leitmotiv fédérateur dont je crois avoir été l’instigateur (inconscient cette fois !), riant moi aussi de cette fameuse répétition verbale, et pourtant si vraie j’en ai, comme pour mes collègues d’ailleurs, la plus grande conviction….

 

Cette petite introduction à ce sujet pour évoquer ce cadre contenant et sécurisant pour des enfants souvent perdus, souvent exclus et stigmatisés, dans l’incapacité de se repérer dans le temps, dans l’espace, dans leur histoire, dans leur vie… - Alors des enfants qui combattent comme ils le peuvent, pour beaucoup sans grands moyens de verbalisations, des « maux », des inquiétudes, des ressentis (…) qui les dépassent mais qui les font agir…

 

 

Alors qu’est ce que ce cadre contenant et sécurisant dans les premières années d’accompagnement de ces enfants à l’ITEP ?

 

 

Le cadre, dans le langage courant, c’est : la bordure entourant un tableau ; ça peut être aussi un assemblage de pièces formant le châssis d’une armature…

C’est aussi l’élément de base (primaire) qui constitue le milieu, l’environnement.

C’est encore l’espace défini, comprenant un ensemble de référentiels significatifs, dans lequel nous construisons et projetons nos actions (professionnelles ou privées)…

C’est enfin pour les usagers de collectivités (quelles qu’elles soient) l’espace repéré dans lequel s’inscrivent différentes obligations...

 

Dans la prise en charge auprès d’enfants manifestants des troubles graves du comportement, on retrouve, au quotidien, ces notions de bordures, aux effets de limite et de forme contenant parfois l’angoisse, l’éclatement, l’instabilité ; ces notions de “châssis”, d’armatures importantes pour la mise en place d’un fonctionnement ; cet espace reconnu, comportant un ensemble de règles, de normes essentielles au “vivre ensemble” ; et enfin l’élément vital qui constitue le milieu le lieu de vie et de prise en charge avec tout ce qui le composent matin également et tout ce qui peut passer comme un message à l’enfant...

 

 

Dans le contexte de cet écrit, je veux ainsi parler de deux éléments bien distincts, mais totalement complémentaires, existant tout les deux ensembles:

 

- le cadre qui regroupe l’ensemble des repères et des règles de vie, doté et de sens, que va rencontrer l’enfant le temps de la prise en charge mais aussi dans la réalité sociale extérieure.

 

- le cadre matériel en définissant le lieu d’accueil, de vie et de prise en charge

 

 

 

* Le cadre comme ensemble des repères et des règles de vie (en lien avec la Loi)

La vie en collectivité implique nécessairement des règles constituant le cadre, garantissant à chacun de pouvoir évoluer le plus sereinement possible avec les autres…

Les règles sont définies comme des principes, des conventions de conduites («obligatoires ») dans un groupe donné…

Dans nombres d’ITEP, comme dans de nombreux établissements éducatifs, l’accueil des enfants ou adolescents se fait dans un cadre collectif.

Les règles, le cadre, prennent alors une dimension d’autant plus importante, pour la prise en charge des personnes souvent en difficulté avec l ‘acceptation, voire l’intégration de ceux-ci…

 

 

 

Règles et « jeu de Lois »

 

Pour chaque personne, la règle pose des limites claires, comme un repérage pour que l’usager se situe (permettant aussi à l’éducateur d’observer - comme un indicateur -  où se situe l’usager au niveau éducatif…).

La règle, le cadre, deviennent, progressivement dans la prise en charge, des outils pour travailler l’acceptation des frustrations et des contraintes de la vie sociale…

C’est alors un élément participant à la construction, puis au développement du Surmoi, un élément structurant pour l’enfant (la structuration passant par un équilibre entre gratification et frustration / entre plaisir et déplaisir dirait S. Freud).

Le règle participe à une fonction symbolique paternelle. Dans le cadre, elle remplit une fonction de tiers dans la relation (pouvant éviter fusion ou toute-puissance)…

 

Les règles définissent ainsi une appartenance à un groupe. Elles doivent être porteuses de sens. Elles sont un consensus acceptable par tous dans le cadre de vie et d’échange du groupe.

Alors au niveau groupal, les règles sont un ensemble de repères clairs qui s’imposent à tous, dans l’intérêt de chacun, des repères garantissant les place de chacun dans le groupe. Elles participent à la régulation des interactions. Elles construisent un équilibre vital entre droits en devoirs…

Elles définissent alors le cadre contenant et sécurisant.

 

 

 

 

* Le cadre matériel définissant le lieu de vie et de prise en charge.

 

Il doit être adapté aux besoins et capacités des enfants accueillis pour leur permettre de se poser, de se sentir en confiance, d’y trouver des repères autant symboliques qu’éducatifs…

Prendre en considération le cadre matériel de l’enfant est essentiel à la prise en charge d‘enfant présentant des troubles du comportement.

Et pourtant, cet aspect est souvent “délaissé” au “bénéfice” de la relation aux enfants (l’un irait-il sans l’autre ? Je ne le crois pas !)

L’instabilité ou les nombreuses angoisses manifestées chez beaucoup d’entre eux entraînent souvent des destructions ou un désinvestissement de l’environnement (pouvant parfois être considéré comme hostile).

J’ai pu souvent remarqué, qu’un espace rangé, propre, réparé si besoin, investit par les adultes accompagnant, aide certains enfants à moins détruire, mais surtout à mieux investir les lieux, et par extension la prise en charge, son projet…

Aussi l’importance de l’environnement dans la prise en charge des « jeunes enfants inadaptés » a souvent été rapportée par de nombreux auteurs et professionnels.

Ainsi Bruno BETTELHEIM exprime clairement un dans son ouvrage « un lieu où renaître »[1] que trois notions sont véritablement inséparables de la conscient de l’être humain : la sécurité physique, le bien-être affectif, une maison accueillante...

Pour Maria MONTESSORI  « le milieu, étant la prolongation du corps de l’enfant, il doit éveillé chez lui le désir de s’exprimer avec plaisir »[2] , ainsi une amélioration matérielle des lieux est pour elle un apport essentiel dans la prise en charge d’enfants

Roger PERRON parle dans son ouvrage “les enfants inadaptés”[3] de l’importance de l’apport du milieu environnemental pour l’enfant, car il peut faire instaurer progressivement tout un plan d’échange de relations entre l’enfant et ceux qui prennent soin de lui.

C’est bien à partir de cet échange que l’on peut aller vers un est un travail éducatif.

Michel LEMAY parle, quant à lui, « des espaces sans objets, sans couleurs, sans moyens d’expression et de marques d’affection avec des stimulation pauvres, uniformes et impersonnelles qui ne peuvent aider leurs enfants en grande difficulté à s’exprimer, à se construire »[4]

Ce cadre matériel, indissociable du cadre comme ensemble des règles, dans l’action éducative est alors l’autre condition pour ce cadre contenant et sécurisant.

 

 

- Contenant

L’impossibilité pour nombres d’enfants accueillis en ITEP d’anticiper, de prévoir, d’attendre les choses, les insécurisent, les dispersent, les déconcentrent, les maintiennent dans leurs difficultés à appréhender le monde qui les entoure

Un cadre alors comme une bordure, une armature (momentanée), à même de protéger ces enfants des autres et d’eux-mêmes face à leur angoisses, leurs instabilités, leurs crises, leurs tristesses…

Un cadre contenant en message d’aide…

 

- Sécurisant

Un cadre proposant un climat de confiance, de compréhension (parfois d‘acceptation, un espace d’aide, d‘accompagnement (parfois d’anticipation) aux actes de la vie quotidienne, aux différents repérages qui accentuent cruellement les troubles… alors un climat de sécurité pour leur permettrent d’aspes à nouveau de se tromper, pour apprendre, réapprendre avec plus de quiétude… C’est certainement n partant de cet espace sécurisé et sécurisant et uniquement de là, que l’enfant peut remplir ses temps, vivre des expériences et acquérir de nouvelles connaissances.

 

 

 

Alors, en attendant une prochaine réunion de synthèse et ma probable nouvelle « répétition » … pour de nouveaux rires, compréhensifs et persuadés (j‘en suis sûr!), je continue à construire, au quotidien, avec mes collègues, ce fameux cadre contenant et sécurisant, observant chaque jour les biens fondés de celui-ci, pour nombres d’enfants dont le parcours déjà chaotique, et les manifestations comportementales laissant entrevoir de cruelles souffrances, demandent « explicitement » un espace adapté - un temps - contenant et sécurisant, pour reconstruire, puis retrouver, peut-être (!) des capacités à être autonome…

 



[1] Bruno BETTELHEIM - « Un lieu où renaître » - Éditions Robert Laffont - paris 1975

[2]  Maria MONTESSORI dans «  Les pédagogies nouvelles » - Jean-Paul RESWEBER - Éditions PUF - Paris 1986

[3]  Roger PERRON - « Les enfants inadaptés » - Éditions PUF - Paris 1972

[4]  Michel LEMAY - J’ai mal à ma mère » - Éditions Fleurus Pyscho-pédagogique - Paris 1979

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