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“Quand l’orientation en internat appelle à se séparer pour grandir

“Quand le placement ou l’orientation en internat appelle à se séparer pour grandir..”

 

 

“La séparation fait partie intégrante du développement, elle permet de grandir... c’est une expérience de maturation, une maturation affective en premier lieu, qui aura ensuite des effets sur le développement global...”

Philippe MERIEU, sociologue.

 

 

L’internat est un lieu d’hébergement où vivent, pour différentes raisons, des enfants ou des adolescents ou des adultes.

Dans le secteur social, il répondra à des indications particulières de placement impliquant, de fait, une séparation d’un milieu d’origine (souvent la famille).

Dans le secteur médico-social, il participera à une prise en charge globale la personne à visée éducative et thérapeutique…

Les différentes mesures de placement (ou d’orientation) seront prononcées pour des personnes considérées comme « menacées » ou en grave difficultés dans leur évolution, qu’elle soit scolaire, sociale, affective, psychologique ou physique.

L’internat répondra ainsi à la demande d’un parent, d’une famille, d’une institution scolaire, sociale, judiciaire...

 

L’internat est donc une modalité spécifique de fonctionnement et de prise en charge de ses usagers.

Il pourra ainsi s’agir, dans ce cas, des foyers de l’enfance, des maisons d’enfants à caractère social, des instituts médico-éducatifs (type IME, IMP, ITEP), des foyers d’hébergements pour personnes handicapés...

 

Au delà de sa fonction de protection ou de “mise à distance”, l’internat pourra être décrit comme un lieu de vie, d’accueil et d’aide, un lieu intermédiaire répondant à une crise, un lieu d’élaboration et de projet, un lieu d’appropriation pour l’usager de son histoire et de construction de sa vie, un lieu de parole et d’écoute, un lieu d’expériences...

Il sera également défini comme un lieu d’observation, d’action éducative, pédagogique, thérapeutique...

Il sera, tant que possible, un lieu de maintien ou de reconstruction de liens adaptés entre l’usager et sa famille.

 

Mais il sera aussi et souvent présenté comme un lieu de rupture, de coupure, de séparation, selon les cas...  Rupture dans la vie de l’usager et de ses proches, coupure sociale, séparation d’avec sa famille qu‘elles soient totales, partielles, momentanées...

Aussi, Richard JOSEFSBERG écrit que “les établissements qui suppléent les familles ne peuvent que prendre en compte une des spécificités inhérentes à leur existence : la séparation”[1].

Une séparation qui pourra peut-être procurer, à la personne placée, une ouverture, un dégagement, une possibilité d’évolution en tant que sujet singulier, mais aussi une séparation génératrice d’angoisses, de peines, de comportements difficiles (selon l’histoire de celui-ci).

 

C’est pourtant bien à partir de cette séparation initiale du placement (ou de l‘orientation), puis des autres temps de séparation du quotidien de l’internat (retour en famille le week-end, coucher, départ de professionnels, d’autres enfants...), jusqu’au départ définitif que l’institution “suffisamment bonne”[2] devra amené l’usager à grandir, penser, comprendre (“grandir, c’est se séparer - se séparer, c’est grandir...”)[3].

 

A partir de la réalité de séparation, le placement (l’orientation) en internat appelle alors à l’élaboration d’un accompagnement basé en grande partie sur le travail de cette réalité.

Le placement est un acte de spération, l’orientation vers les internats du secteur médico-social pourra avoir des visées thérapeutiques, une modification s’inscrivant dans l’histoire de l’usager, “mettant en jeu une discontinuité sous couvert de continuité”[4].

Il est alors empreint d’une temporalité jalonné d’étapes au croisement de l’individuel et de l’institutionnel.

 

 

 

Mais après la prise en charge dans l’internat, le départ « active » une nouvelle séparation dans la vie de l’enfant.

 

Je me propose ainsi d’evoquer thème de départ de l’usager de l’internat, départ qui provoquera souvent une séparation à la symbolique et au vécu fort (pouvant, au même titre que la séparation due au placement ou à l‘orientation, devenir source éventuelle de manifestations psychiques et/ou comportementales, de symptômes, de défenses, de mélancolie...- mais aussi séparation comme aspect “maturant”, structurant le psychisme du sujet...).

 

Les raisons du départ auront inévitablement une incidence sur la façon dont sera ressenti le sentiment de séparation (pour l’enfant, les autres enfants de l’institution, mais aussi pour les adultes qui l’ont accompagné au quotidien jusqu’à ce départ...).

En effet, un départ planifié et prévu, donc projeté dans un temps défini ne sera pas vécu de la même manière qu’un départ soudain et inattendu.

Dans le premier cas, un travail de séparation pourra être entrepris et travailler, en amont, avec l’enfant et sa famille, mais aussi avec les autres enfants et adultes de l’institution.

La séparation plus brusque dans le second cas pourra souvent laisser peu de place à l’élaboration psychique de chacun.

La séparation occasionnée par le départ de l’institution vient prendre place dans l’histoire singulière de l’enfant. Elle fait partie des étapes constructrices de sa vie.

 

Ce départ rappellera tout d’abord la séparation passée due au placement, ou à l‘orientation administrative (à la réalité de celui-ci, de ses raisons, de sa situation passée et présente...).

Il viendra alors signifier la fin de ce placement, la fin d’un temps, le début d’un autre, cela dans une continuité, celle de la vie de l’enfant.

Cette séparation viendra ensuite retracer le chemin parcouru depuis l’entrée de l’enfant dans l’institution, soulignant soit une évolution positive et maturante, soit une évolution plus difficile, voire parfois l’échec de la prise en charge.

De cette évolution se définira l’accompagnement au départ de l’enfant, le travail de autour de cette nouvelle séparation.

 

 

* « La théorie du départ »

La définition du mot “départ” tirée du dictionnaire “Petit Larousse” indique l’action de partir, ainsi que l’action de séparer.

Le départ pourrait alors exprimer une fin, celle qui marque une séparation.

Cependant, une seconde définition rappelle que le “départ” peut-être aussi un commencement (= le point de départ).

On peut alors penser que ce commencement pourrait suivre la fin citée ci-dessus...

Le dictionnaire  étymologique vient préciser notre définition en indiquant l’évolution du terme. “Départ” vient du mot partir signifiant au Xème siècle partager - séparer. Le mot “partir” déclinera ensuite d’autres termes passant par se séparer, partance... - puis départ.

 

Nous pouvons donc souligner l’idée forte de séparation.

 

A un niveau psychologique et psychanalytique :

Dans le cadre du placement ou de l‘orientation administratice, l’internat s’inscrit dans une fonction maternelle “suffisamment bonne”[5], introduisant manque et désillusion, structurant la vie quotidienne de l’usager.

Mais il se situe également dans un rôle de tiers témoin amenant cet usager à comprendre sa situation, l’aidant à prendre conscience de ses difficultés et par la suite, à y trouver, tant que possible, une issue, en construisant progressivement sa pensée.

C’est dans ce contexte théorique que l’épreuve de départ et donc de séparation sera travaillé avec l’usager par les professionnels accompagnants de l’internat.

“Dans un cadre organisé, l’éducateur peut exploiter les situations de séparation, repérant certains dysfonctionnements relationnels ou sociaux, et à partir de la tenter avec l’enfant d’y remédier...”[6]

* La mise en perspective institutionnelle du départ

 

Le placement (ou l’orientation en internat) implique toujours un début et une fin de mesure.

C’est dans cet espace temporel défini que s’inscrit l’élaboration de la prise en charge de l’usager.

Aussi, la perspective de la fin du placement et du départ de l’usager motive sa prise en charge. En effet, c’est dans l’objectif final d’un départ réussi que va se construire le projet de l’usager.

On peut alors noter que le départ se positionne explicitement dans la réalité du placement pour l’usager comme pour l’internat, qui devra tout mettre en place pour lui permettre d’évoluer et d’être en capacité de partir.

 

Pour qu’un départ puisse être élaboré, faire sens, et pouvoir participer à une structuration psychique, il devra être clairement évoqué et parlé avec l’usager.

“L’élaboration, c’est amener l’usager à penser une difficulté ou un évènement, à en appréhender certains ressorts - c’est par un savoir sur soi que l’usager pourra se dégager de certains modes de fonctionnement...”[7]

L’élaboration sera d’autant plus possible quand le départ aura pu être planifié en amont, donc projeté par l’internat et par l’usager.

En effet, il me semble que dans le cas d’un départ plus soudain, la séparation pourra activer ou réactiver un sentiment de rupture, voire de chaos (tout autant pour l’usager que pour l’adulte accompagnant).

 

L’évocation et la parole autour du départ pourront amener usager et éducateur à son investissement dans un contexte de séparation s’appuyant sur le chemin parcouru, jalonnée d’expériences, tout au long du placement.

Mais aussi la planification du départ pourra amener l’usager, tant que possible (exceptions faites pour certains cas de placement dans le cadre de l’Ordonnance de 1945 et des articles 375 et suivants du CC) à être acteur, à investir et s’approprier son propre départ.

 

La parole pourra peut-être permettre à l’usager, dans ce travail de départ, de comprendre que placement et fin de placement auront pu faire partie intégrante de son développement, l’aider à grandir malgré les moments de souffrance...

“La richesse d’une vie peut résider dans la succession de pertes et de ruptures, si on a eu la chance de les faire siennes dans la parole ou dans l’échange, c’est-à-dire si elles ont bien été symbolisées...”[8].

 

Ce travail de départ impliquera un travail progressif de  désinvestissement de l’internat pour un investissement extérieur.

Cet extérieur se devra, sans aucun doute, d’être défini, pour être progressivement intégré par un travail de projection et de sécurisation de l’usager...

Le désinvestissement progressif de l’internat pourra se faire avec l’apport de rites repérables et symboliques (comme pour un travail de deuil) - retour en famille plus fréquents, visite du nouveau lieu d’accueil, cérémonie de départ...

Richard Josefsberg écrit que ces rites spécifiques sont des éléments sur lesquels s’appuieront l’usager pour symboliser la séparation, pour dépasser ou circonscrire les peines ou les angoisses[9]...

 

Ainsi l’usager pourra peut-être mieux partir pour investir un ailleurs.

 

Le départ pourra, quand cela sera possible être préparer avec l’usager, dans un projet d’individuation vis à vis de l’internat (phase de responsabilisation, sollicitation aux initiatives...).

Partir sera ainsi la dernière action du placement.

Partir sera encore une nouvelle étape dans le vie de l’usager (structurant psychisme et développement)...

Partir sera surtout, un “point de commencement”...

 

 

                                                                                                                      Eric FURSTOS



[1]  “Internat et séparations - Des outils éducatifs ?” - Richard JOSEFSBERG - Editions ERES 1997

[2]  Référence à “la mère suffisamment bonne” de D. W. WINNICOTT - “Jeu et réalité” - Éditions Gallimard 1975

[3]  Françoise COUTOU-COUMES, psychologues clinicienne “Apprendre, c’est grandir et se séparer”.

[4]  Annette FREJAVILLE, médecin psychiatre, intervention sur “la séparation”, Vitry Le Coteau - 1992

[5]  Référence à “la mère suffisamment bonne” - “Jeu et réalité” - D. W. WINNICOTT - Gallimard Paris 1975

[6]  “Internat et séparations - Des outils éducatifs ?” - Richard JOSEFSBERG - Éditions ERES 1997

[7]  “Internat et séparations - Des outils éducatifs ?” - Richard JOSEFSBERG - Éditions ERES 1997

[8]  “Apprendre... Oui mais comment ?” - Philippe MERIEU - Editions ESF 1999

[9]  “Internat et séparations - Des outils éducatifs ?” - Richard JOSEFSBERG - Éditions ERES 1997

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